Le vent chaud du désert me fit sortir de ma rêverie : je regardais autour de moi mais il n’y avait que sable et dunes à perte de vue. Je décidai donc de retourner à la carcasse de mon avion. Celui-ci s’était écrasé entre deux collines mais il était toujours intact ; le seul problème était qu’il n’avait plus de carburant. Dans la carlingue, je cherchais des objets qui pourraient me servir dans un milieu hostile. Je trouvai une bouteille d’eau, quelques biscuits et un chapeau. En clair, pas grand-chose d’utile. Je décidai de marcher en quête de carburant ou d’une ville, d’un campement.
Pendant de longues heures, je marchais sans rien découvrir : que des ossements, du sable et encore du sable. Il semblait n’exister aucune source de vie. En marchant, je croisai des serpents, des scorpions…rares animaux augurant mal de mon devenir dans cette immense étendue aride. A perte de vue, une succession de vagues dorées et inertes brûlaient sous un accablant soleil. L’astre cruel était suspendu dans un ciel limpide mais figé : pas un oiseau, pas un nuage. Je commençais à perdre espoir quand je tombai sur une route. Je la remontai. Soudain, je vis un convoi.
Un camion s’arrêta à ma hauteur. Le conducteur de l’engin avait un visage rond et buriné, un front bombé, de grands yeux bruns, en ovale, à l’expression franche et rieuse, un menton carré, une barbes naissante. Sa peau fortement hâlée se confondait avec des cheveux longs et noirs noués négligemment sur sa nuque. Un chèche indigo tranchait avec sa longue tunique blanche. Il dégagea son turban de ses lèvres.
- Vous avez besoin d’aide ? me demanda le conducteur qui visiblement maîtrisait parfaitement le français.
- Oui, mon avion s’est écrasé vers le sud… Je cherche du carburant et une paire de bras pour le mettre sur un terrain plat.
-Très bien montez et guidez nous vers le site du crash.
Je décris au conducteur le lieu où mon avion s’était abîmé. Il partit dire aux autres membres de la caravane ce qu’il comptait faire. Revenu rapidement à mes côtés, il me dit que je pouvais monter à l’arrière de son camion. Malgré sa carrosserie émaillée et délavée, le véhicule semblait solide ; il était poussiéreux mais les roues étaient parfaitement gonflées. L’intérieur était propre et spacieux. Cependant, odeurs marines et effluves d’essence se mélangeaient étrangement. Des caisses en bois étaient rangées dans le fond. Je m’assis contre l’une d’elles me laissant bercer par le ronronnement du moteur. Je m’endormis.
Quand me réveillai, j’étais toujours dans le camion mais il faisait nuit. Les secousses avaient cessé. Je sortis : j’étais toujours en plein milieu du désert ; le convoi était arrêté. Je me dirigeai vers l’avant du camion pour demander au conducteur ce qu’il se passait mais celui-ci n’était plus là. Mon regard fut alors attiré par des lumières à l’avant du convoi. Je me dirigeai vers elles et je vis un groupe de personnes en train de discuter avec des militaires. Parmi elles, je pus distinguer le conducteur de mon camion. Je lui fis un signe et celui-ci vint vers moi.
- Que se passe-t-il ?
- Nous sommes proches de la frontière malienne. On doit montrer nos passeports pour continuer… Vous avez le vôtre ?
- Non ! Il est dans mon avion. Comment vais-je faire ?
Le conducteur réfléchit quelques instants et finit par déclarer :
- Allez vous cacher dans une des caisses à l’arrière et ne faites pas de bruit.
- D’accord, merci beaucoup.
Je repartis donc vers le camion pour me cacher dans une caisse : celle-ci était remplie de poissons séchés. Malgré l’odeur insupportable, je m’y dissimulai. C’est alors que j’entendis des pas lourds et décidés se rapprocher de ma cachette, puis s’arrêter. Silence. La voix du conducteur l’interrompit : je l’entendis prononcer des paroles en arabe. Les bottes s’éloignèrent. Quelques instants plus tard, le camion redémarrait. Le convoi s’arrêta au bout de longues heures de route.
- Vous pouvez sortir, m’invita mon sauveur.
J’ouvris ma caisse et sortit en faisant très attention de ne pas faire tomber le poisson.
- Nous sommes arrivés à votre avion, vous pouvez sortir.
- Mais pourquoi m’aidez-vous ? Vous ne me connaissez même pas…
- Je ne sais pas, c’est dans ma nature, j’aime aider les gens. Bon ! Ce n’est pas le tout mais nous devons sortir votre avion de ce trou, nous allons le pousser tous ensemble.
Le conducteur réunit tous les autres et nous commençâmes ensemble à pousser l’avion. Une fois celui-ci hissé en haut de la dune, je le remplis de carburant et fus paré à décoller. Je fis des adieux reconnaissants aux caravaniers du désert et montai avec une assurance déterminée pour repartir et disparaître à l’horizon. L’espoir et le courage ne devaient désormais plus me quitter.